Des robots recyclés contre Ebola ?
Des roboticiens américains réfléchissent à la reconversion de robots utilisés dans des situations de catastrophe dans la lutte contre l’épidémie Ebola. Un robot qui effectuerait même partiellement les tâches d’un humain, comme l’enlèvement des déchets, sauverait des vies. Ainsi, sous l’égide de la Maison-Blanche, des scientifiques montent des comités de réflexion. « Comme pour Fukushima, la crise de l’Ébola a révélé un écart important entre les capacités du robot et ce qui est nécessaire dans le domaine des secours», a déclaré Gill Pratt, gestionnaire de programme à la DARPA. «Mais nous avons une obligation morale d’essayer, d’adapter et d’appliquer la technologie disponible. » Selon les scientifiques, celle-ci est encore limitée en ce qui concerne la médecine. Les robots n’ont pas la dextérité nécessaires aux soins de santé. Il est donc étudié les moyens de réutiliser les robots existants comme outils pour effectuer des tâches de décontamination. Les pays où se concentre l’épidémie ne sont pas en mesure de déployer des robots. Mais des modèles sont utilisés dans les milieux médicaux aux États-Unis et les administrateurs d’hôpitaux sont en demande. Yulun Wang, directeur de InTouch Health, fabricant de robots de téléprésence utilisés dans les hôpitaux, affirme être continuellement sollicité. Les clients demandent si les robots peuvent être utilisés pour aider au diagnostique de l’infection, sans présence humaine, ou pour organiser des visites virtuelles au patient en isolement. L’entreprise fabrique un robot qui parcourt l’hôpital, guidé à distance par un médecin, pour observer les patients ou former le personnel de soins. « Il n’y a pas beaucoup d’expert d’Ebola aux Etats-Unis mais nous pouvons transférer de l’information dans les 1000 hôpitaux qui ont notre système, instantanément. » Mais pour de nombreux chercheurs, la robotique n’est pas encore prête. Ken Goldberg, professeur de génie industriel, craint que les roboticiens ne semblent opportunistes : « Nous ne voulons pas être considérée comme capitalisant sur la tragédie. »
Ebola : l’offensive de Little Moe
Le robot Little Moe émet des rayons ultraviolets de haute énergie UV-C, capables de désinfecter une pièce de ses virus et de ses bactéries, y compris le virus Ebola. Il est fabriqué par une société texane, Xenex et est utilisé dans 250 hôpitaux américains, y compris l’hôpital texan Presbyterian Hospital, où le patient atteint d’Ebola est traité. La société n’a pas confirmé si leur robot a été employé pour ce cas. Selon le porte-parole de Xenex, le Xenon contenu dans l’ampoule du robot tue 99,9 % des virus et des bactéries dangereuses en moins de 5 minutes. Il n’est plus nécessaire d’employer des produits chimiques, mais les surfaces doivent avoir préalablement été nettoyées de la poussière et des liquides. Le robot possède un capteur de mouvement qui éteint sa lampe en cas de détection. Il coûte 104000 $, puis 3 $ par pièce à nettoyer. Les lampes au mercure ou les produits chimiques ne coûtent que 100 $ par pièce mais ils sont 25000 fois moins puissants et le processus de désinfection peut prendre des heures.
Des nouvelles d’Atlas
Le robot humanoïde Atlas a été développé par Boston Dynamics, une des huit entreprises de robotique achetées par Google en 2013. Originellement issu d’un programme de la DARPA, il a depuis été remis entre les mains du MIT et de son Laboratoire d’Intelligence Artificielle (CSAIL). Une de ses dernières vidéos le montre tirant une lourde pièce d’un échafaudage métallique autour du laboratoire. Vraisemblablement, ce n’est pas aussi facile qu’il y paraît. Le métal lourd déséquilibre le robot sur un côté, rendant sa stabilisation plus difficile. Le CSAIL améliore le logiciel d’Atlas pour le rendre plus rapide et plus autonome. Et un changement de matériel est à venir : Atlas traîne actuellement un cordon pour être alimenté en énergie. Le CSAIL veut couper le cordon, cette année ou la prochaine et remplacer l’alimentation externe par une source d’énergie embarquée. Espérons qu’il soit prêt à temps pour les finales du défi DARPA Robotics, qui auront lieu en juin prochain, à Pomona en Californie.
Le barman danse
La compagnie Royal Caribbean compte un nouveau barman : Makr Shakr, créé par des designers du MIT Senseable City Lab. Le robot a commencé son travail en novembre mais a déjà été présenté à la Conférence Google I/O 2013. Il peut créer une variété quasi infinie de boissons personnalisées, avec des mouvements allant des plus dynamiques aux plus lourds, en passant par les tremblements et l’usage de la motricité fine tels que le tranchage de fruits. Les mouvements du robot ont été programmés à l’aide des gestes filmés du danseur Roberto Bolle et avec le concours du chorégraphe italien Marco Pelle. Les utilisateurs téléchargent une application sur leur smartphone et commandent leur boisson. Elle est concoctée par trois bras robotiques et servie sur un tapis roulant. Ce qui distingue Makr Shakr d’autres robots serveurs est que ses créateurs ont voulu garder la place à une expérience centrée sur l’humain. Des liens sociaux sont tissés tout au long de la création. Les utilisateurs peuvent apprendre les uns des autres, et partager des recettes et des photos sur les réseaux.
Les patrons préfèrent les robots
Un sondage d’anciens élèves de la Harvard Business School a révélé que 46 % d’entre eux préfèrent avoir des robots effectuant un travail plutôt que de devoir embaucher'(29 % préférerait les humains). 49 % sont prêts à faire partir leur entreprise à l’étranger, plutôt que d’embaucher des Américains (30% préfère garder des Américains). « Notre enquête révèle que les chefs d’entreprise en Amérique sont réticents à embaucher des travailleurs à temps plein», écrivent les auteurs de l’étude. Au-delà, le Huffington Post, qui a relayé l’étude, fait remarquer que de moins en moins de gens reçoivent la formation nécessaire pour obtenir un emploi de technologie de haut niveau, conduisant à une hausse des candidats non qualifiés. Même en période de chômage élevé, le nombre d’offres d’emploi restent élevé. Il y avait 9,8 millions de chômeurs américains en mai et, dans le même temps, 4,6 millions d’emplois disponibles.
Fortis, fort, mais sans moteur
L’US Navy est en train de tester l’exosquelette FORTIS de Lockheed Martin pour des applications industrielles. FORTIS est un exosquelette léger sans moteur qui prend en charge la manipulation d’objet jusqu’à 18 kg. Il agit en supportant seul le poids du matériel que l’ouvrier emploie. Les tests ont montré qu’il augmente la productivité entre 2 et 27 fois. Sans son assistance, un ouvrier tient une meuleuse de 7 kg pendant trois minutes au-dessus de sa tête. Avec l’exosquelette, l’ouvrier a pu travailler pendant 30 minutes sans ressentir de fatigue. Sa conception réduit la tension sur le corps tout entier. L’exosquelette s’attache aux cheville, aux genoux et à la hanche et est souple à la taille. Il semble facile à mettre. Lockheed espère le mettre également en application dans des secteurs non militaires (secteur minier et construction). En attendant, la Navy est très motivée : une étude menée en 2012 sur les installations les entreprises sud-coréennes a montré que 5 des 6 chantiers navals visités utilisaient déjà un exosquelette.
Mon squelette est en tissus
Les soldats portent souvent plus de 50 kg de matériel. Les blessures musculo-squelettiques sont la raison la plus fréquente d’évacuation. La DARPA, à travers son programme Web Warrior, est à la recherche de l’équipement le plus léger et le plus souple. L’agence Defense Advanced Research Projects vient de recevoir une subvention de 2,9 M de $ destinée à la poursuite du projet Exosuit. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un exosquelette en tissu confortable combiné à une robotique qui aide les muscles des jambes et les articulations lors de la marche. Le costume se porte comme un pantalon. Il possède une sangle avec un microprocesseur à faible puissance et des capteurs de déformation. Le costume surveille des données telles que la tension du tissus et la position de l’utilisateur et fournit une assistance subtile aux jambes sans restriction des mouvements. Le développement de la combinaison a conduit à de nouveaux types de textiles, de systèmes flexibles d’alimentation et de capteurs logiciels, ainsi que de nouvelles méthodes d’interaction homme-machine.
Les drones ont des bras
Une flotte auto-organisée de robots autonomes pourrait remplacer des pompiers, des sauveteurs ou des travailleurs de la construction. Des robots volants, équipés de bras manipulateurs sont en cours d’élaboration dans le cadre d’un projet financé par l’UE. En coopérant, ils peuvent saisir des objets. Issus du projet ARCAS (Aerial robotics cooperative assembly system), les robots ont été testés en Espagne. Il s’agit de systèmes avec huit rotors, pour donner plus de contrôle en vol stationnaire et augmenter la charge utile avec un plus grand degré de liberté. Le test a utilisé 10 mini-prototypes qui travaillent ensemble. Pour le professeur Ollero : « Nous devons encore améliorer la précision et la répétitivité dans des conditions différentes, mais les résultats sont très prometteurs. Nous avons démontré la manipulation aérienne, la perception et la planification des fonctionnalités. » L’équipe va maintenant se concentrer sur l’amélioration de la robustesse des robots et leur permettre de travailler dans de plus importantes formations.
Un robot dans le maïs
La fertilisation des cultures est un problème crucial auquel la robotique peut apporter une solution innovante. Rowbot , une startup basée dans le Minnesota, a déployé un robot conçu pour fertiliser les champs de maïs. L’une des problématiques auxquelles sont confrontés les cultivateurs est de coordonner l’apport d’engrais avec la croissance très rapide de la plante. Or, passée une certaine hauteur, il est impossible d’utiliser un tracteur sans provoquer des dégâts. Il est alors difficile de synchroniser la fertilisation avec les besoins de la plante, notamment en azote. Si l’apport d’azote en cours de saison est la pratique la plus adaptée, elle n’est pas la plus simple. C’est là que Rowbot peut être très utile. Avec quatre roues motrices, il se faufile entre les rangées de plants pour pulvériser les engrais nécessaires au moment souhaité. Rowbot se sert d’un GPS et d’un lidar pour se guider et maintenir sa trajectoire. Il peut couvrir 60 hectares en une journée.
RFID : et le monde des objets s’ouvre au robot
Des robots de l’Institut de technologie de Géorgie commencent à utiliser de petites étiquettes RFID, d’ultra-haute fréquence, collées sur des objets, pour les localiser dans une pièce, même lorsque qu’ils sont cachés à la vue du robot. L’étiquette seule, cependant, n’est pas suffisante pour déterminer l’emplacement : elle ne dit pas au robot où est l’objet.
Les chercheurs ont équipé le robot avec des antennes articulées et mis au point un algorithme de recherche qui améliore la capacité du robot à localiser et naviguer vers les objets marqués et à différencier la signature de chaque étiquette. Les antennes reçoivent un signal RFID d’autant plus fort qu’elles sont dirigées vers une étiquette et qu’elles en sont plus proches : le robot est capable d’extrapoler pour se diriger vers elle. Cela pourrait permettre à un robot de rechercher, saisir et livrer le bon médicament à la bonne personne au bon moment. La technologie RFID permet l’identification précise, de sorte que le risque de ne pas livrer le bon médicament est quasiment nul.
La programmation par l’exemple
Eugene Izhikevich pense que vous ne devriez pas écrire du code pour enseigner de nouvelles tâches à un robot. Sa startup, Brain Corporation, développe un système d’exploitation pour les robots appelés Brainos. Pour apprendre à un robot à ramasser les ordures, vous utilisez une télécommande pour guider à plusieurs reprises sa pince dans cette tâche. Après quelques répétitions, le robot prend l’initiative et réalise la tâche lui-même. Brain Corporation espère fournir son logiciel aux entreprises qui veulent faire des robots intelligents à bas prix. Elle fourni aussi une carte de circuit imprimé avec un processeur de smartphone et Brainos installé. Une entreprise formerait un seul robot, et copierait ensuite son logiciel sur les autres. Les puces « neuromorphiques » offriraient un moyen plus efficace d’exécuter Brainos. Izhikevich reconnaît que la formation d’un robot par démonstration produit un comportement moins prévisible. Cette technique est inexploitable pour les voitures autonomes par exemple. Mais pour des tâches simples, elle est efficace.
L’article dans son intégralité est paru dans Planète Robots n°31 du 1er Janvier 2015.