L’économie grecque est en crise depuis sept ans. Planète ROBOTS a voulu savoir comment se portait la robotique, au pays de Pygmalion.
Les chercheurs se sont adaptés à la situation. Certains font même de la crise une des problématiques de leurs recherches.
Le département d’Urologie de l’université d’Athènes a ainsi produit un article sur « Les changements de pratique en urologie avec l’introduction du système chirurgical da Vinci: l’expérience du système de santé grecque à l’ère de la crise de la dette. » Les auteurs ont du intégrer, dans leur étude sur le retour sur investissement de l’usage du robot chirurgical, le contexte de la crise financière et ses strictes mesures d’austérité.
Inversement, d’autres chercheurs se demandent si leurs travaux ne pourraient pas aider leur pays à sortir de l’ornière. Ainsi, deux auteurs issus, pour l’un, de l’école de commerce de Thessalie et l’autre du département d’informatique de l’université Aristote de Thessalonique, ont-ils comparé les stratégies européennes en termes de technologies de l’information à celles d’autres grands pays industrialisés.
Apporteront-ils leur pierre à la construction de la solution ? Nous avons interrogé des acteurs du domaine.
Konstantinos Loupos (KL) est chercheur et chef de projets en robotique au sein de l’Institut des Systèmes de Communication et d’Informatique d’Athènes.
Antonios Gasteratos (AG) est directeur du laboratoire de robotique et chef du département d’ingénierie du management à l’Université Démocrite de Thrace.
Evangelos Papadopoulos (EP) est professeur au Département d’Ingénierie Mécanique de l’Université Technique Nationale d’Athènes.
MUSE Robotics (MR) est une entreprise qui fournit aux constructeurs des systèmes d’autonomisation pour des robots industriels, médicaux et de services. Son équipe est originaire de Grèce mais elle est située en Californie.
PR : Pouvez-vous présenter rapidement votre travail ?
KL : Nous travaillons à un système robotisé d’inspection des tunnels. Le but est de fournir un système automatisé, rapide, fiable, et génant le moins possible le trafic automobile. Il s’agit d’inspecter un tunnel et d’évaluer des solutions. Nous voulons réunir les deux phases pour réaliser en une fois l’inspection et l’évaluation structurelle. Le robot sera évalué sur l’infrastructure du Very Large Hadron Collider en Suisse, dans le métro de Londres et dans des tunnels d’autoroutes. Il combine la robotique, la vision par ordinateur, la navigation autonome et le positionnement ainsi que la détection par ultrasons pour effectuer une inspection structurelle du tunnel. Notre institut est le coordinateur et directeur technique du projet.
AG : Je suis professeur agrégé et chef du Département de production et d’ingénierie du management à l’Université Démocrite de Thrace. Je suis aussi directeur du Laboratoire de robotique et d’automatisation. Je donne des cours de mécatronique, robotique, systèmes de contrôle automatique, électronique, vision de la machine, simulation. Je suis évaluateur pour des revues scientifiques et des conférences et rédacteur en chef adjoint pour Electronics Letters et International Journal of Optomechatronics. Je suis chercheur principal dans des projets de l’Union Européenne. Mes centres d’intérêt en recherche sont la mécatronique et la vision robotique. J’ai publié plus de 170 articles. Je suis membre de l’IEEE Robotics et Automation Society.
EP : Notre travail se concentre autour de la robotique, la mécatronique et le contrôle automatique. Les domaines d’application sont la robotique spatiale, les robots à pattes, les micro-robots, les robots-poissons, les retours haptiques, etc. Les projets ont trois phases : (a) analytique dans laquelle nous commençons avec un concept puis nous nous concentrons sur la modélisation et la dynamique, et finalement nous développons des algorithmes de contrôle pour les tester en simulation. (b) Nous construisons nos robots en utilisant les modes de conceptions CAD, CAM et CAE, pour les pièces mécaniques et pour les cartes électroniques. (c) Lors de la phase expérimentale, nous testons nos systèmes et apportons des améliorations si besoin.
MR : MUSE Robotics propose des moteurs intégrés avec des fonctionnalités avancées en matière de contrôle et de performance, qui peuvent être connectés en série avec un seul câble pour l’alimentation et la communication, des capteurs qui se connectent sur des systèmes de bus et de gestion de l’énergie pour une utilisation efficace de l’énergie dans les systèmes. Surtout, le logiciel Muse, compatible avec l’OS ROS, permet aux développeurs de se concentrer sur leur application et non pas sur la façon dont les composants fonctionnent ensemble. Muse diminue le temps et le coût du robot, en prototypage et en fabrication.
PR : Depuis combien de temps travaillez-vous dans la robotique ?
KL : Notre institut de recherche est spécialisé dans de nombreux domaines dans les systèmes de détection, les communications, la vision par ordinateur et la photogrammétrie ainsi que les systèmes robotiques. Notre équipe dispose d’une expérience de plus de 10 ans dans la robotique et les systèmes autonomes sous le cadre des TIC. Vous trouverez tous les détails sur notre groupe à cette adresse : i-sense.iccs.ntua.gr
AG : J’ai commencé à travailler dans la robotique en 1999, juste après avoir obtenu un doctorat dans la conception VLSI pour des tâches de vision par ordinateur.
EP : Depuis 1987. En tant que membre du corps professoral depuis 1991.
MR : MUSE Robotics a seulement un an, mais chacun des quatre fondateurs a plus de 7 ans d’expérience en robotique industrielle et académique et tous ont un niveau doctorat ou supérieur. Alex Nikolakakis (CEO) et Pavlos Stavrou (CTO) ont travaillé dans divers domaines de la robotique au cours de leur doctorat, ainsi que dans des entreprises privées en Grèce. Ioannis Roussos détient un doctorat en systèmes de contrôle et avec Alex et Pavlos ont fondé une entreprise d’électronique trois ans avant la fondation du MUSE Robotics. Le quatrième fondateur, Kostas Karakasiliotis était un docteur et chercheur en biorobotique, en PostDoc à l’EPFL, en Suisse.
PR : Sur cette durée, avez-vous pu constater une évolution de vos conditions de travail ? Des moyens dont vous disposez ? Du financement que vous recevez ?
KL : Bien sûr ! Nous avons vu le domaine de la robotique être appliqué de nombreuses manières comme une technologie de pointe, dans des domaines aussi divers que l’évaluation de l’état des structures (voir le travail associé au projet ROBO-SPECT), mais aussi l’automobile, la logistique, etc.
AG : Au cours de ces plus de 15 ans dans le domaine, j’ai vu de grands progrès dans les conditions de travail en tant que chercheur et ingénieur. La communauté est très active et le développement d’Internet ont produit de nombreuses nouvelles possibilités. En ce qui concerne le logiciel je pense aux plates-formes open source, au code et aux exemples, disponibles partout. D’autre part, les gens peuvent profiter de Youtube pour construire quelque chose à partir de zéro, y compris des plates-formes robotiques. Donc, beaucoup de gens se sont familiarisés avec une technologie qui, il y a 15 ans, les étonnait.
[…] L’article dans son intégralité est paru dans Planète Robots n°39 du 1er Mai 2016.