Depuis une quinzaine d’années, les robots sont devenus des objets d’étude récurrents dans le cadre de la mise en place de traitements des troubles autistiques.
Cette déferlante d’articles scientifiques est rendu possible par la diffusion de la technologie et stimulée par la fréquence de ces troubles, présents dans toutes les parties du monde. Qui plus est, cette pathologie est le miroir des questions auxquelles doit répondre la robotique : apprendre à communiquer de manière fluide, aussi bien par le langage que la posture.
Les robots que l’on envisage d’utiliser dans le cadre d’une thérapie des troubles autistiques font l’objet d’études comparatives pour analyser leurs avantages et inconvénients par rapport à une assistance humaine.
Le laboratoire en intelligence artificielle de l’université du Luxembourg a comparé les effets du robot QT dans le traitement des troubles d’enfants autistes (1), de 4 à 14 ans. Les analyses statistiques ont montré que les enfants portaient plus d’attention au robot qu’à une personne, étaient autant enclins à imiter la machine que la personne et adoptaient moins de comportements stéréotypés ou répétitifs avec le robot, ces comportements affectant habituellement l’apprentissage des enfants.
Ce n’est pas la première étude à rapporter cet effet positif de la machine.
L’utilisation clinique de robots interactifs est un développement prometteur à la lumière des recherches montrant que les individus atteints de TSA (2):
a) font preuve de motivation pour comprendre le monde physique (lié aux objets) et des faiblesses relatives pour comprendre le monde social,
b) sont plus sensibles au retour d’information, même à propos d’échanges sociaux, lorsqu’ils sont administrés par la technologie plutôt que par un humain,
c) et sont plus intéressés par un traitement lorsqu’il implique des composants électroniques ou robotiques.
Mais les chercheurs du projet DREAM (3) suggèrent qu’il ne s’agit là que d’un effet de la nouveauté de la technologie : comme tout le monde, les enfants autistes peuvent initialement être excités lors de la première utilisation d’une nouvelle technologie, mais reporte ensuite leur attention sur les soignants dont ils sont les plus proches.
Le projet européen DREAM (Development of Robot-Enhanced Therapy for Children with Autism) a étudié en détail l’impact éthique du développement d’une thérapie faisant intervenir un robot.
DREAM est un consortium composé d’ingénieurs, d’informaticiens, de psychothérapeutes, de psychologues et chercheurs en éthique. La recherche en robotique est menée par l’équipe clinique de psychologues et de psychothérapeutes de l’université Babes-Bolyai en Roumanie.
Trois tâches ont été identifiées comme étant essentielles à l’interaction sociale, à la communication et à l’apprentissage: la prise de parole, le fait de capter l’attention et l’imitation. Le thérapeute utilise le robot pour aider l’enfant à intégrer ces comportements sociaux à son répertoire d’apprentissage.
Les enfants atteints de trouble autistique manifestent une préférence pour l’interaction avec des agents non humains. Le robot serait une alternative privilégiée à l’être humain.
Les chercheurs européens ont développé des séances de « mini-public » autour du projet DREAM. Il s’agit de groupe de travail en petit comité, réunissant des experts et le public autour d’un thème de débat.
La réaction des non-spécialiste à la présentation des expériences de mise en place d’une thérapie destinée aux autiste accompagnée d’un robot a été assez surprenante. Les participants ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’avenir des soins de santé, à savoir que l’assurance maladie serait moins soutenue financièrement. Les participants ont également exprimé leur inquiétude face au remplacement des professionnels de la santé par des technologies permettant de réduire les coûts au détriment des soins aux patients.
Par ailleurs, une remarque aussi originale que pertinente mentionnée par cette étude porte sur le langage à employer lors des thérapies assistées par des robots. Dans le grand public, mais également chez les professionnels et chez certains chercheurs, les autistes sont fréquemment comparés à des machines. Il est donc important de maîtriser les mots utilisés lors des soins aux patients et d’éviter la moindre métaphore pouvant affecter leur confiance en eux.
Le rapport précise lui aussi que parmi la cohorte des personnes interrogées, les enfants présentaient un large éventail de difficultés comportementales, sociales, d’apprentissage, affectives et cognitives. Lors du développement d’une thérapie robotisée, il est essentiel de prendre en compte la diversité des enfants car, actuellement, on a l’impression qu’il s’agit d’un système « taille unique » qui conviendrait à tous les scénarios pour les enfants autistes malgré leurs différences.
Enfin, la technologie ne fait pas l’unanimité, certains parents estimant qu’elle était privilégiée par rapport aux autres formes thérapeutiques, car elles nécessitait moins de travail, comme l’orthophonie et la thérapie traditionnelle.
Des chercheurs néo-zélandais et singapouriens (4) ont eux testés les effets du robot KiliRo, qui a la particularité d’être inspiré du perroquet. Ce robot a été conçu pour améliorer les compétences sociales des enfants autistes. Les expériences ont montré une capacité accrue des capacités d’interaction suite aux séances avec le robot, et de façon plus significative qu’avec l’humain.
De façon générale, on peut toutefois regretter que ces études soient le plus souvent réalisées avec de petits effectifs de patients, et sur de courtes durées.
Par ailleurs, la question à laquelle ne répondent pas ces études est celle du but. Certes, le robot affiche de meilleurs scores d’interactions que l’assistant humain, avec l’enfant autiste. Toutefois, le but des séances de thérapie n’est évidemment pas d’apprendre aux autistes à communiquer avec des robots. Les résultats encourageants enregistrés à l’occasion des séances avec des machines sont-ils conservés, une fois la thérapie terminée, et profitables aux échanges avec des humains ?
En espérant qu’une prochaine étude réponde à cette interrogation.
Les exemples de traitements sont foison dans la littérature.
[…] L’article dans son intégralité est paru dans Planète Robots n°55 du 1er janvier 2019